Quid de la Gonette ?

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Lancée en novembre dernier à Lyon, la Gonette a pour l’heure convaincu 55 structures professionnelles (commerçants, indépendants et associations) et 800 particuliers de rejoindre son réseau. Questions à Nicolas Briet, membre de l’association porteuse du projet, histoire d’en savoir un peu plus sur le fonctionnement de cette toute nouvelle monnaie locale complémentaire.

En quoi la Gonette peut-elle permettre de relocaliser l’économie, objectif revendiqué par les monnaies locales complémentaires ?

Grâce aux utilisateurs qui vont dépenser localement la Gonette et permettre ainsi le fléchage des acteurs locaux. Parmi ces acteurs, un magasin comme Biocoop va pouvoir écouler ses Gonettes dans son réseau et également trouver localement de nouveaux producteurs, adhérents de la Gonette. Outre le fléchage, la Gonette apporte un soutien à ces acteurs de l’économie locale.

Et en quoi la Gonette permet-elle d’éviter la spéculation et la thésaurisation, autres arguments avancés par les monnaies locales complémentaires ?

On ne peut pas mettre la Gonette en banque, ça ne rapporte rien. La Gonette a pour vocation d’être dépensée localement. Elle ne prend aucune valeur avec le temps. On ne peut pas gagner de l’argent avec la Gonette.

Peut-on payer des salaires ou des impôts en Gonettes ?

Il est possible de payer des salaires en Gonettes, avec l’accord du salarié. Pour les impôts locaux, ce n’est pas encore le cas. Cependant, les monnaies locales complémentaires étant désormais reconnues par le code monétaire, il est techniquement possible de payer ses impôts locaux en monnaie locale. Des discussions sont en cours dans plusieurs villes avec le Trésor public dans ce sens, ainsi qu’avec des municipalités pour le paiement de services comme les transports. Nous attendons que ces démarches se développent un peu plus pour nous lancer mais elles font partie des pistes de réflexion que nous souhaitons ouvrir.

Votre charte est assez succincte et certains commerçants estiment qu’elle n’est pas assez exigeante. Qu’en pensez-vous ?

Nous avons eu peu de retours dans ce sens. Dans cette charte, nous exposons notre vision du monde. Il ne s’agit pas d’un label. Si nous avions d’autres retours de ce type, nous pourrions envisager de revenir sur le contenu de notre charte. Nous nous considérons principalement comme des facilitateurs, avec le souhait que chacun s’approprie la Gonette. Nous ne serions donc pas opposés au fait que des personnes se chargent d’enrichir notre charte.

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Pourquoi avoir adossé la Gonette à une banque partenaire comme le Crédit Coopératif ?

Pour des raisons à la fois pratiques et de crédibilité vis-à-vis de nos partenaires professionnels et institutionnels. La banque assure gratuitement la gestion de notre stock de 150 000 Gonettes dans le cadre de ce partenariat. Nous souhaitions de plus faire appel à une banque éthique et le Crédit coopératif s’est montré enthousiaste face à notre projet.

Un fonds de garantie, constitué avec les euros issus de l’achat de Gonettes, est placé sur un compte-épargne. Quelle est sa fonction ?

Le compte-épargne fait office de fonds de garantie et nous permet de placer le montant équivalant à la masse monétaire en Gonettes en circulation. Nous avons la possibilité d’utiliser les intérêts générés par ce fonds de garantie. Selon le code monétaire, la banque peut quant à elle (sans toucher au fonds de garantie), générer du crédit pour investir dans des projets du secteur de l’ESS. Nous allons prochainement discuter avec le Crédit Coopératif afin de voir comment nous allons utiliser les intérêts générés par ce fonds de garantie en alimentant par exemple un fonds de solidarité. Le fonds de garantie peut par ailleurs nous permettre de rembourser les partenaires professionnels qui souhaitent échanger leurs Gonettes contre des euros.

La Gonette peut-t-elle permettre à des personnes aux faibles revenus d’accéder à des services et biens de consommation plus facilement ? Ou à des personnes en situation d’immigration de mieux s’intégrer économiquement ?

Certaines monnaies pratiquent un taux de conversion qui permet d’avoir en poche un montant en monnaie locale supérieur à la somme d’achat en euros. A Toulouse, par exemple, la mairie a versé une subvention et une part de cette somme a été redistribuée en monnaie locale à des personnes au chômage. Nous avons dans notre réseau des acteurs comme la Passerelle d’Eau de Robec, une épicerie sociale et solidaire qui pratique une double tarification pour ses bénéficiaires et plusieurs lieux où l’on pratique le café suspendu. Nous nous posons effectivement la question de savoir comment faire pour intégrer dans notre réseau des personnes éloignées socialement, culturellement et économiquement de notre démarche en nous rapprochant d’autres acteurs dans de nouveaux territoires.

Un article de la loi du 31 juillet 2014 sur l’Economie sociale et solidaire a reconnu les monnaies locales comme titre de paiement. Quel est son impact et quels seraient ses freins éventuels ?

Cette reconnaissance légale a apporté un cadre plus confortable et rassuré de nombreux acteurs. Elle a eu un impact psychologique, donné du crédit aux initiatives de monnaies locales et permis d’ouvrir le dialogue avec les mairies ou les services des impôts. C’est donc positif. Au niveau du réseau national des monnaies locales complémentaires, des craintes ont toutefois été exprimées quant à de possibles lourdeurs administratives liées à cet encadrement légal. Cela risque d’être plus compliqué en effet lors de la mise en œuvre d’une monnaie électronique.

Les objectifs visés par les monnaies locales complémentaires (favoriser le lien social, relocaliser l’économie, changer le rapport à la monnaie) ont-ils été atteints ?

Il y a dans la création d’une monnaie locale complémentaire une dimension pédagogique qui prend du temps et nécessite de bien communiquer. C’est une démarche d’éducation populaire autour du fonctionnement de la monnaie, de la finance et des banques qui commence à être compris. Plusieurs initiatives de monnaies locales sont des réussites, comme l’Eusko au Pays basque ou le Sol Violette à Toulouse. Ces monnaies ont déjà entraîné des changements dans les comportements des acteurs locaux comme des consommateurs.

Une monnaie locale est-elle réellement un bien commun ?

C’est la gestion associative de la monnaie locale qui en fait un bien commun. Les règles sont définies collectivement. Il n’y a pas d’opacité quant à la gestion de la monnaie. Le fonctionnement est transparent. Avec la Gonette, nous voulons rafraîchir la démocratie en impliquant tout le monde afin que chacun contribue aux décisions.

Quels sont les difficultés et les écueils que vous avez connus et observés en tant que porteur de projet ? Ou expérimentés par d’autres MLC ?

Il y a actuellement 32 monnaies locales complémentaires en circulation en France… La disparition de certains projets est essentiellement lié à l’essoufflement, au manque de subventions et au bénévolat. Le principal écueil est que l’enthousiasme du début ne soit pas suivi par de nouvelles adhésions des gens l’année suivante. L’autre risque est lié aux subventions. Elles sont une aide mais il est important de savoir diversifier ses ressources pour ne pas être fragilisé.

Quel avenir pour les monnaies locales complémentaires ?

Depuis la création de la première monnaie locale en France en 2010, les projets se multiplient chaque année. Il y a un enthousiasme en ce moment et le nombre de monnaies locales sera le double d’ici deux ans. De nombreuses personnes sont touchées par la question et cela représente un réel poids politique. Les initiatives génèrent des réseaux et de l’intelligence collective. Cette volonté citoyenne ouvre de nombreux espoirs et fait que les acteurs politiques s’intéressent à ces initiatives qui sont de nouveaux outils pour soutenir des projets. Nous sommes cependant au début des monnaies locales. Après les observations qualitatives, viendra le temps des observations quantitatives.

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Pour en savoir plus sur les monnaies locales complémentaires : http://monnaie-locale-complementaire.net

Sur la Gonette : www.lagonette.org

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